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et que je peux jouir, et faire pour le moins autant de mal, sans me donner autant de peines, et sans courir autant de dangers.

La sensible Justine réfutait mal des argumens de cette force ; mais ses larmes coulaient en abondance ; c’est la ressource du faible, en se voyant ravir la chimère qui le consolait ; il n’ose la réédifier aux yeux du philosophe qui la pulvérise ; mais il la regrète, le vide l’effraie, n’ayant pas, comme l’homme puissant, les doux plaisirs du despotisme, il frémit du rôle d’esclave, et le voit d’autant plus horrible, que son tyran n’a plus de frein.

Chaque jour Bressac employait à-peu-près les mêmes armes pour tacher de corrompre Justine ; mais il ne pouvait en venir à bout. Le pauvre tient à la vertu par besoin ; la fortune, en lui refusant les moyens du crime, lui ôte en même-tems tout intérêt à secouer un joug qu’il ne verrait ravir à la société qu’aux dépens de sa triste existence. Voilà tout le secret de la vertueuse misère.

Madame de Bressac, remplie de sagesse et de piété, n’ignorait pas que son fils légitimait, par des systêmes indestructibles, tous les vices dont il se souillait ; elle en répandait des larmes bien amères dans le sein de la