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egoïsme ; il ne le fera jamais, s’il est le plus fort ; d’où je conclus que toutes les fois que la nature donnera plus de puissance ou plus de moyens à un autre qu’à moi, cet être fera très-bien de me sacrifier à ses penchans, tout comme il peut être sûr que je ne le ménagerai pas, si c’est moi qui l’emporte, parce que, se rendre heureux, abstraction faite de toute considération de quelqu’espèce qu’on puisse la supposer, est, en un mot, la seule et l’unique loi que nous impose la nature. Je connais toute l’étendue de ce principe ; je sais jusqu’à quel point il peut conduire les hommes. Mais des hommes à qui je n’assigne d’autres barrières que celles de la nature, peuvent aller impunément à tout, et s’ils sont vraiment raisonnables, ils ne mettront jamais à leurs actions d’autres bornes que leurs desirs, que leurs volontés… leurs passions. Ce qu’on nomme vertu est un être chimérique pour moi : ce mode insignifiant et mobile, qui varie de climat en climat, ne m’inspire aucune grande idée ; la vertu d’un peuple ne sera jamais que celle de son sol ou de ses législateurs ; celle de l’homme vraiment philosophe doit être la jouissance de ses desirs, ou le résultat de ses passions ; Le mot