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déteste, abjure, profane, ainsi que moi, et l’objet odieux de ce culte effrayant, et ce culte lui-même, créé pour des chimères, fait, comme elles, pour être avili de tout ce qui prétend à la sagesse. Mais, vous disent à cela les sots, plus de morale, si vous n’avez plus de religion. Imbécilles ! quelle est-elle donc cette morale que vous prêchez ? et quel besoin l’homme a-t-il de morale pour exister content sur la terre ? Je n’en connais qu’une, moi, mon enfant, celle de se rendre heureux, n’importe aux dépens de qui ; celle de ne se rien refuser de tout ce qui peut augmenter notre bonheur ici bas, fallut-il même, pour y réussir, troubler, détruire, absorber absolument celui des autres. La nature, qui nous fit naître seuls, ne nous commande nulle part de ménager notre prochain ; si nous le faisons, c’est par politique ; je dis plus, c’est par égoïsme ; nous ne nous nuisons point, de peur qu’on ne nous nuise ; mais celui qui sera assez fort pour pouvoir nuire sans craindre le retour, nuira beaucoup, s’il n’écoute que ses penchans, parce qu’il n’en est aucun de plus caractérisé, de plus violent dans l’homme que celui de faire du mal et de despotiser : ces mouvemens nous viennent de la nature ;