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vant dans l’autre ? Qu’il imprime un jour, en traits de feu, au centre du soleil, la loi qui peut lui plaire et qu’il veut nous donner ; d’un bout de l’Univers à l’autre, tous les hommes la lisant, la voyant à-la-fois, deviendront coupables, s’ils ne la suivent pas alors ; aucune excuse ne pourra légitimer leur incrédulité. Mais n’indiquer ses desirs que dans un coin ignoré de l’Asie ; ne choisir, pour spectateur, que le peuple le plus fourbe et le plus visionnaire ; pour substitut, que le plus vil artisan, le plus absurde et le plus fripon, embrouiller si bien la doctrine, qu’il est impossible de la comprendre, en absorber la connaissance chez un petit nombre d’individus, laisser les autres dans l’erreur, et les punir d’y être restés. Eh non, Justine, eh non, non, toutes ces atrocités-là ne sont pas faites pour nous guider ; j’aimerais mieux mourir mille fois, que de les croire. Il n’y a point de Dieu, il n’y en eut jamais ; cet être chimérique n’exista que dans la tête des fous ; aucun être raisonnable ne pourra ni le définir, ni l’admettre ; et il n’y a qu’un sot qui puisse adopter une idée si prodigieusement contraire à la raison. Mais la nature, me direz-vous, est inconcevable sans un Dieu. Ah ! j’entends ;