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pour l’organe de celui qui, dit-on a créé le monde ? Avec des prétentions si relevées, vous conviendrez, Justine, qu’il fallait au moins quelques titres ? Quels sont ceux de ce ridicule ambassadeur, que va-t-il faire pour prouver sa mission ? La terre va-t-elle changer de face ? les fléaux qui l’affligent vont-ils s’anéantir ? le soleil va-t-il l’éclairer nuit et jour ? les vices ne la souilleront-ils plus ? N’allons-nous voir enfin régner que le bonheur ? Pas un mot : c’est par des tours de passe-passe, par des gambades et par des calembours[1], que l’envoyé de Dieu s’annonce à l’Univers ; c’est dans la société respectable de manœuvres, d’artisans et de filles publiques, que le ministre du ciel vient manifester sa grandeur ; c’est en buvant avec les uns, foutant avec les autres, que l’ami de Dieu, Dieu même, vient soumettre à ses loix le pécheur endurci ; c’est en n’inventant, pour ses farces, que ce qui peut satisfaire ou

  1. Bièvre en fit-il jamais un qui valut celui du Nazaréen à ses disciples : « Tu es pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église. » Et qu’on vienne nous dire que les calembours sont de notre siècle.