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action ; toujours est-il qu’un libertin est rarement un homme sensible[1]. Mais à cette dureté naturelle, dans l’espèce de gens dont nous parlons, il se joignait encore dans Bressac un profond dégoût pour les femmes… une haine si invétérée pour tout ce qui caractérisait ce sexe, qu’il appellait infame, que bien difficilement Justine fut parvenue à placer dans lui les sentimens dont elle avait intérêt de l’émouvoir.

Tourterelle des bois, lui dit Bressac avec dureté, si tu cherches des dupes, adresse-toi mieux ; ni mon ami, ni moi, ne touchons point de femmes, elles nous font horreur, et ; nous les fuyons avec soin. Si c’est l’aumône que tu demandes, cherche des gens qui aiment les bonnes œuvres, nous n’en faisons jamais que de mauvaises ; mais, parle, misérable, as-tu vu ce qui s’est passé entre ce jeune homme et moi ? — Je vous ai vu causer sur l’herbe, dit la prudente Justine, rien de plus, messieurs, je vous le jure. — Je veux le croire, dit Bressac, et cela pour ton bien.

  1. Et cela, par la seule raison que la sensibilité prouve la faiblesse, et le libertinage la force. (Note de l’auteur).