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jours ; ô mon protecteur et mon guide ! j’aspire à tes bontés, j’implore ta clémence ; vois ma misère et mes tourmens, ma résignation et mes vœux. Dieu puissant ! tu le sais, je suis innocente et faible, je suis trahie et maltraitée ; j’ai voulu faire le bien, à ton exemple, et ta volonté m’en punit. Qu’elle s’accomplisse, ô mon Dieu ! tous ses effets sacrés me sont chers, je les respecte, et cesse de m’en plaindre ; mais si je ne dois pourtant trouver ici bas que des ronces, est-ce t’offenser, ô mon souverain maître ! que de supplier ta puissance de me rappeler vers toi, pour te prier sans trouble, pour t’adorer loin de ces hommes pervers, qui ne m’ont fait, hélas ! rencontrer que des maux, et dont les mains sanguinaires et perfides noyent à plaisir mes tristes jours dans le torrent des larmes, et dans l’abîme des douleurs ? »

La prière console le malheureux ; le ciel est sa chimère ; il devient plus fort après l’avoir caressé : difficilement néanmoins tirerait-on de cet effet physique quelques inductions en faveur d’un Dieu, l’état du malheur est celui du délire, et les enfans de la folie peuvent-ils en imposer à la raison ? Justine se lève, se rajuste, et s’éloigne.