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que, me trouvant seul alors, je me priverais des moyens qui peuvent assurer la fortune que j’attends de leurs secours. Ce motif est l’unique qui retienne également leurs bras vis-à-vis de moi : or, ce motif, vous le voyez, Justine, il n’est qu’égoïste ; il n’a pas le plus léger caractère de vertu. Celui qui veut lutter seul, dites-vous, contre les intérêts de la société, doit s’attendre à périr. Ne périra-t-il pas bien plus certainement, s’il n’a, pour y exister, que sa misère et l’abandon des autres ? Ce qu’on appelle l’intérêt de la société, n’est que la masse des intérêts réunis ; mais ce n’est jamais qu’en cédant que cet intérêt particulier peut s’accorder et se lier aux intérêts généraux ; or, que voulez-vous que cède celui qui n’a presque rien ? S’il le fait, vous m’avouerez qu’il a d’autant plus de tort, qu’il se trouve donner, dans ce cas, infiniment plus qu’il ne retire ; et de ce moment, l’inégalité du marché doit l’empêcher de le conclure : pris dans cette position, ce qu’il reste de mieux à faire à un tel homme, n’est-il pas de se soustraire à cette société injuste, pour n’accorder de droits qu’à une société différente, qui, placée dans la même position que lui, ait pour intérêt de combattre, par la réunion de ses petits pou-