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LA MARQUISE DE GANGE

l’épreuve qu’il lui avait conseillée, et se retrancha, jusqu’à nouvel ordre, au simple emploi d’observateur.

Pour suivre les sages conseils de son directeur, la marquise se rapprocha plus intimement de son mari ; mais le coup était porté : la jalousie dont Alphonse était dévoré, les violents soupçons qu’il nourrissait, ne lui permirent plus avec son épouse ces doux épanchements où tous les deux jadis savaient si bien trouver le bonheur. La marquise, se rappelant alors ce que lui avait dit Eusèbe, crut ne plus pouvoir douter de l’inconstance de son époux, et sentit qu’il fallait se résoudre à pleurer en silence, sans employer les coupables moyens que lui avait suggérés son beau-frère.

— Qu’avez-vous donc, ma chère Euphrasie ? lui dit un jour madame de Roquefeuille dans une promenade qu’elle avait exprès ménagée pour démêler la cause du chagrin répandu sur les traits de son amie. — Hélas ! répondit madame de Gange, très embarrassée, et voulant retenir des aveux qui pouvaient l’entraîner à de dangereuses indiscrétions ; hélas ! madame, je n’accuse que moi, du refroidissement d’Alphonse, dont vous devez vous apercevoir ; et, ne me connaissant aucun tort, je m’efforce vainement à trouver le motif d’un tel abandon. Dites-moi, madame, dites-moi sincèrement s’il vous a été possible de