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LA MARQUISE DE GANGE

le seul flambeau qui vous serve à vous convaincre de la vérité : on se cache difficilement quand on fait mal ; et si votre époux est coupable, ce qu’il m’est impossible d’admettre, le redoublement de vos soins à son égard le refroidira, loin de l’enflammer. Telle est la seule épreuve qu’il vous est permis de faire : elle vous réussira, madame ; je dis plus, elle vous tranquillisera, et vous aurez reconnu la vertu, sans emprunter le masque du crime.

— Ah ! mon père, s’écria l’intéressante Euphrasie, quel baume vous répandez sur mes blessures ! — Ce n’est point à moi que vous devez ces consolations, madame, reprit Eusèbe, vous les avez méritées par l’acte pieux que vous venez de remplir avant que de vous ouvrir à moi ; et c’est le Dieu de paix que vous avez servi, dont vous avez accompli les saints commandements, qui a daigné me choisir pour faire passer dans votre âme la tranquillité qu’il vous devait pour prix de votre soumission. Puisse cet exemple maintenir perpétuellement dans vous cet amour divin qui fit naguère le sujet d’un de mes discours ! et persuadez-vous, madame, que cet être miséricordieux n’offre pas sans cesse au pécheur la main armée qui doit le punir, mais toujours celle du secours à l’infortuné qui l’implore.

De ce moment, madame de Gange se décida à ne rien changer dans sa conduite avec le marquis,