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LA MARQUISE DE GANGE

sublime une partie des grâces que nous valut sa mort.

Euphrasie, parée des atours qui séduisent les faibles mortels, semblait ici n’augmenter ses grâces que de la majesté du devoir qu’elle allait remplir ; embellie pour son Dieu, elle l’était par ce Dieu même : c’était la beauté des Anges, autour du trône de l’Éternel : un rayon de cette divinité composait ses plus doux attraits : et, comme l’astre éclairant la terre, elle ne devait qu’à son Dieu même tout l’éclat qui l’environnait.

Dès que ce premier soin fut accompli, madame de Gange s’assit auprès d’Eusèbe. — Mon père, lui dit-elle, je dois demander vos conseils sur une chose bien étroitement liée au bonheur de ma vie. Vous connaissez mon attachement pour mon époux ? — Je le connais et le respecte, madame ; il vous concilie l’estime de tous les hommes, et vous rend le modèle de toutes les femmes. — Oh ! mon père, ce ne sont pas des éloges que je désire, ce sont des avis que je demande ; je n’en connais pas de plus propres à me guider que les vôtres ; et, poursuivant avec toute la sérénité d’une âme pure : Cette tranquillité qui fait mon bonheur, on cherche à la troubler, mon père ; on suppose mon époux infidèle, on plonge le poignard dans mon cœur, en cherchant à y briser l’image qui le remplit uniquement. Je ne puis vous nommer celui qui me rend ce cruel service : s’il a raison,