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LA MARQUISE DE GANGE

nous la surprîmes, et mieux encore celui de Villefranche, quand il crut que je m’apercevais de toute la chaleur qu’il mettait aux secours qu’il administrait à Euphrasie. Un cœur aussi ardent que le mien s’effraie avec facilité ; il lui faut, pour le calmer, des choses plus fortes que celles qui l’ont primitivement alarmé, et je crains bien que tu ne puisses m’en fournir de cette nature. — Ce calme dépend de toi seul, répondit Théodore : détruis les chimères qui te troublent, et le repos naîtra dans ton âme ; estime ton épouse et ton ami, et tu ne les soupçonneras plus capables de nuire à ta tranquillité. Cependant, je t’offre mes soins pour éclairer la conduite de ceux qui t’alarment ; et, quels que soient les liens qui m’attachent à ta femme, ou ceux de mon amitié pour Villefranche, je te réponds de mon impartialité. — Ils te tromperont peut-être. — Hé bien ! veux-tu une façon sûre d’éprouver Euphrasie ? — Quelle est-elle ? — Donne-lui de la jalousie ; verse à pleines mains dans son âme ce poison qui consume la tienne : si elle a des torts, elle sera trop heureuse de ceux qu’elle découvrira chez toi ; dans le cas contraire, ses inquiétudes deviendront violentes, au point qu’elles te convaincront que tu es bien sûrement l’unique objet de son amour. — Mais je l’affligerai si elle est innocente. — Soit, mais tu t’éclaireras si elle est coupable. — J’aime mieux mes doutes que son malheur. — Reste donc dans