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LA MARQUISE DE GANGE

geraient, j’en suis sûr, et je ne veux pas qu’un seul chagrin puisse un instant troubler son ivresse… Cependant, si je puis m’éclaircir… — Gardez-vous-en bien, répondit Théodore avec chaleur : convenir que vous êtes instruite de ses torts, c’est presque les autoriser ; il ne serait que plus faux avec vous, sans que vous en devinssiez plus heureuse, et vous auriez immolé votre orgueil avec une tranquillité que vous ne retrouveriez plus. À l’égard du moyen dont je vous parle, vous avez tort de le refuser : ce n’est point un amant que je vous propose, c’est un vengeur ; Villefranche ne vous parlera jamais de choses capables d’offenser vos devoirs ; mais il vous fera la cour ; il vous rendra des soins ; et, par cela seul, il inquiétera tellement votre mari qu’il le ramènera infailliblement à vos pieds. Ah ! croyez-moi, madame, tout doit s’entreprendre pour rentrer dans des droits que l’injustice vous enlève. Fussiez-vous même assez faible pour vous permettre une chute, votre mari seul en serait responsable. Je ne vous propose pas d’arrêter un crime par un autre, mais de paralyser celui qui se commet, par tous les moyens que l’art et la ruse permettent à une honnête femme, quand on lui ravit son bonheur. — Mais, pour en venir là, est-il donc permis de prendre la physionomie d’une coupable ? Qui vous dit d’ailleurs que mon mari, enchanté de me voir aussi faible que lui, ne s’au-