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LA MARQUISE DE GANGE

Villefranche avec ma femme ? dit à Théodore Alphonse qui se trouvait à quelques pas de là ; je ne m’étais jamais aperçu de rien. — C’est qu’il n’y a rien de fait pour être remarqué, dit l’abbé : la marquise d’un mot peut tout éclaircir, et j’espère que demain on ne se réveillera pas sans être instruit.

Le soir, en rentrant chez lui, l’abbé trouva sur sa cheminée un billet d’Euphrasie, contenant simplement ces mots

« Je ne dirai rien à mon mari jusqu’à demain, mais pendant que des affaires vont l’occuper toute la matinée à Gange, venez finir ce que vous avez commencé ; et si réellement vous devez enfoncer le poignard dans mon cœur, faites-le sans ménagement. »

On se doute bien que l’abbé ne manqua pas le rendez-vous : il lui paraissait si essentiel de voir réussir ses ruses qu’il ne négligeait rien de tout ce qui pouvait lui en assurer les fruits.

Cependant, avant de se rendre chez la marquise, il ne put s’empêcher de réfléchir sérieusement sur la conduite qu’il allait tenir.

L’occasion, se dit-il, est belle pour déclarer mes sentiments ; mais cette précipitation peut me perdre. Elle révélera tout à son mari ; et, au lieu de gagner quelque chose, en un instant je perdrai tout. Il vaut donc mieux que je persiste à la rendre coupable avec Villefranche : par ce