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LA MARQUISE DE GANGE

tation dans l’allée latérale où son frère se trouve avec Ambroisine. — Nous devrions aller vers votre femme, mon frère, dit-il à Alphonse : j’ai entendu quelques cris de ce côté ; je ne sais qui l’accompagne, ni quelle peut être la cause des secours qu’elle a l’air d’appeler ; mais assurément nous devrions y aller tous. — Oh ciel ! que me dis-tu ? s’écria le marquis ; je croyais ma femme avec toi. — J’y étais sans doute, et venais de la quitter quelques minutes, lorsque, en la rejoignant, je l’ai vue sans mouvement au pied d’un chêne ; j’ai cherché du secours : apercevant Villefranche, je l’ai envoyé près d’elle, et je viens vous presser d’y accourir également… Et l’on volait tout en parlant. On arrive enfin près de la marquise, évanouie dans les bras de Villefranche. — Accourez donc, Alphonse, s’écrie-t-il, je ne sais ce qui occasionne l’état de votre femme ; mais j’ai toutes les peines du monde à la rendre au jour. Ambroisine la délace, elle frotte ses tempes et ses lèvres d’un sel volatil. Euphrasie rouvre les yeux ; et aussitôt qu’elle aperçoit son mari partager les soins que lui donne celle qu’elle croit sa rivale, deux ruisseaux de larmes inondent ses joues. — Qu’as-tu donc, chère amie, dit Alphonse en la couvrant de baisers, et d’où peuvent donc venir et cette frayeur et ce chagrin ? — Ce n’est rien, mon ami, ce n’est rien, dit Euphrasie, en se relevant avec peine ; retournons au château ;