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LA MARQUISE DE GANGE

pour essayer de l’être. — Je n’attribue qu’à ta tendresse pour moi ce que tu me dis, EuphraSie ; mais l’abbé est aimable, il est rempli d’esprit, et tu l’aimeras d’autant plus que tu le connaîtras davantage. — Oh ! mon ami, ne lui sulfit-il donc pas de ses liens avec toi pour que je m’y attache : mais je persiste à dire qu’il ne te vaut pas. — Tu aimeras peut-être mieux le chevalier, dit Alphonse ; ses devoirs le retiennent encore à Nice, où il est en garnison ; mais il nous reviendra, et j’espère que, réunis tous les quatre, nous passerons bientôt quelques années heureuses. — Ah ! si ma société te suffit, la tienne est tout ce qu’il faut à mon bonheur : c’est toi seul qui me rendras heureuse, et jamais ceux dont tu t’entoureras.

En ce moment, madame de Roquefeuille vint interrompre cette conversation, pour engager à aller entendre prêcher à la paroisse de Gange, le père Eusèbe, qu’elle n’avait pas encore entendu. Tous les habitants du château s’y rendirent. Le texte d’Eusèbe était l’amour divin. Quelle chaleur mit ce bon religieux dans son discours ! Comme il adressait à l’âme tout ce qui devait porter l’être créé à l’amour de son créateur ! et comme il entraînait tous les cœurs au culte de cet être divin à qui nous devons tout ! C’était par les merveilles de la création qu’il ramenait l’homme à la reconnaissance qu’il doit au Dieu qui le fait jouir de toutes ses beautés. Il les pei-