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LA MARQUISE DE GANGE

lendemain. Il s’offrit pour écuyer de madame de Ganges, dans une partie de chasse, où les dames montèrent à cheval. Il trouva aisément le temps et le moyen de lui faire une déclaration d’amour, qu’elle reçut d’un froid très-piquant, et même avec mépris.

Le chevalier étoit aussi devenu amoureux. La marquise le trouvant d’une conversation qui lui convenoit mieux, le recevoit passablement bien, et le préféroit à l’abbé, qu’elle ne pouvoit souffrir. L’abbé ayant découvert l’amour du chevalier, et désespérant de le gouverner sur cet article, prit une autre voie, qui fut de lui dire qu’il lui sacrifieroit volontiers sa propre passion s’il pouvoit réussir dans ses amours ; mais que, si les tentatives devenoient inutiles, il abandonnât la partie, et lui cédât le champ de bataille. Cet accord fait et consenti, le chevalier continua ses soins. Quand madame de Ganges s’aperçut qu’il s’agissoit d’amour, elle traita le chevalier comme l’abbé, avec un ton de mépris qui l’éconduisit totalement. L’abbé revint sur les rangs ; mais il s’y prit d’une autre façon : ce fut de jetter de l’ombrage dans l’esprit du marquis sur la sagesse de sa femme ; ce qui lui réussit également. Le marquis redevint jaloux, et maltraita sa femme. L’abbé voulut voir ensuite si cet état malheureux, qu’il étoit le maître de changer, n’adouciroit pas la marquise en sa faveur. Il se fit valoir auprès d’elle sur l’autorité qu’il avoit de la rendre heureuse ou malheureuse : elle ne répondit qu’en lui tournant le dos.

Vers ce temps son ayeul maternel mourut. Elle devint par cette mort héritière de biens considérables. Elle étoit