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LA MARQUISE DE GANGE

grâce pour vous !… Au même instant, le chevalier tire son épée… La marquise croit que c’est pour la défendre… — Ô mon cher chevalier, s’écrie-t-elle de l’air le plus touchant et le plus pathétique, sauvez-moi des fureurs de ce méchant homme… mais, au mouvement, aux yeux égarés de celui-ci, elle voit bien que c’est un bourreau de plus, et qu’elle va devenir la victime de tous deux. Cette affreuse certitude lui donne la force de se jeter au bas de son lit… Elle tombe en larmes aux pieds de ces barbares : ces mains jointes et tournées vers eux ; ce sein d’albâtre, uniquement couvert des beaux cheveux qui flottaient en désordre ; ces cris de la terreur et de la pitié, qu’interceptent les sanglots du désespoir ; ces pleurs dont elle inonde les armes déjà tournées sur sa gorge… Oh ! juste ciel ! quel être n’eût pas été désarmé par ce touchant spectacle !

Ces monstres ne le furent pas.

— Il faut mourir, madame, lui dit Théodore une seconde fois… Au lieu de chercher à nous émouvoir, remerciez-nous de vous laisser le choix du genre de mort qui doit anéantir une créature aussi coupable… aussi fausse que vous. Choisissez donc, vous dis-je, du feu, du fer, ou du poison, et rendez grâces au ciel de la faveur que nous vous accordons.

— Quoi ! c’est vous ! c’est vous, mes frères, qui voulez ma mort ? dit cette malheureuse, toujours