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LA MARQUISE DE GANGE

modement général, en disant tout bas à sa fille : — Eh bien ! ma chère enfant, tu vois enfin le succès de nos démarches. Toute la famille s’embrassa, se félicita, et, le lendemain, un grand dîner devint le sceau de cette heureuse réconciliation.

On parla ce même jour du projet de retourner à Gange : madame de Châteaublanc y fut la première invitée, et l’exécution de ce projet ne fut remise qu’à huitaine. Il fut convenu que le marquis et sa belle-mère devanceraient Euphrasie et ses beaux-frères au château, afin de préparer à cette chère épouse la plus brillante réception.

À l’arrivée de la marquise, toutes les jeunes filles de Gange lui présentèrent des fleurs. Elle n’arriva que sous des berceaux d’oliviers, de citronniers et d’orangers construits sur son passage. L’infortunée ! elle ressemblait à ces victimes que l’on ne parait que pour les immoler.

Tous les vassaux du marquis s’étaient cotisés pour un superbe festin, qu’ils avaient fait préparer à l’entrée du parc, et dont ils firent supérieurement les honneurs.

Cette réception où paraissait régner tant de franchise et d’urbanité, dissipa toutes les craintes de madame de Gange, et deux mois se passèrent dans ce doux enivrement du bonheur toujours ardemment saisi par l’infortune quand elle se