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LA MARQUISE DE GANGE

guèrent en apparence les plus fortes marques d’estime et d’amitié. — Oublions tout ce qui s’est passé, ma chère Euphrasie, dit Alphonse, nous avons été, comme vous, la dupe de tous les scélérats qui semblaient s’être donné le mot pour vous perdre ; mais la justice que nous vous rendons est entière ; et croyez, ô ma plus tendre amie, que vous n’avez jamais perdu, ni mon cœur, ni la sincère estime de mes frères.

La bonne madame de Gange, qui, depuis bien longtemps, n’avait entendu des paroles aussi flatteuses, aussi consolantes que celles qui sortaient de la bouche d’un homme qui lui était si cher, saisit avec ardeur l’espoir, toujours si doux à l’âme des infortunés : elle se jeta en pleurs au cou de son mari. — As-tu donc pu croire, lui dit-elle, aux torts imaginaires d’une femme qui n’a jamais cessé de t’adorer ? Ah ! comme la justice que tu me rends est délicieuse pour moi ! Voilà le premier jour de bonheur que je vois luire depuis bien longtemps. Que voudrais-tu que fît Euphrasie dans le monde, si tu la privais encore de ce qui peut seul l’y faire exister ? Oh ! oui, oui, cher Alphonse, jure-moi de m’aimer toujours ; et que, réunis dans ce tombeau que tu fis creuser pour tous deux, nous y prolongerons le bonheur de nous aimer, même au-delà de l’existence. Madame de Châteaublanc, qui ne craignait plus rien, se prêta de tout son cœur à ce raccom-