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LA MARQUISE DE GANGE

sur son livre. — Non, madame, non, lui dit à voix basse un homme qu’elle est loin de reconnaître, oh ! non, non, n’éteignez pas dans votre âme bienfaisante la commisération que je viens d’y faire naître, ne vous en rapportez pas à mes paroles, madame, daignez venir visiter vous-même le déplorable asile qui reste à ma misère, et des larmes mouillaient les yeux de ce malheureux. Euphrasie les voit et dit : — Marchez, mon ami, marchez devant moi, mes porteurs auront soin de vous suivre.

L’ordre est donné ; Euphrasie entre dans sa chaise ; le mendiant devance, on le suit. Il s’arrête enfin dans une rue étroite, isolée, et dont les bâtiments rares, bas et décrépits prouvent que ce n’est qu’à la plus déplorable indigence que leurs murs chancelants servent d’abri. Le pauvre s’arrête à l’humble seuil de l’une de ces chétives demeures, les porteurs ouvrent à leur maîtresse qui s’est exprès débarrassée de ses gens ; elle suit son guide qui s’enfonce avec elle dans une longue allée que termine une espèce de cave où le mendiant ne voit pas plutôt entrer sa bienfaitrice qu’il se précipite à ses genoux. — Ô madame la Marquise, lui dit-il, d’une voix éteinte par le besoin, ne blâmerez-vous pas de son imprudence l’homme qui n’est tombé dans la misère que pour y recevoir de la main de Dieu la juste punition du crime dans lequel il cherchait à