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LA MARQUISE DE GANGE

et convainquent Euphrasie que le malheur, qui n’a cessé de la poursuivre, vient de la conduire dans une de ces maisons infâmes que la politique tolère dans les grandes villes pour éviter des maux plus affreux.

Cependant, par l’ordre des deux frères, un commissaire est requis et constate dans son procès-verbal : 1o Que la maison où on le fait venir est un lieu de prostitution ; 2o Que les comparantes sont les suppôts de ce mauvais lieu ; 3o Que la dame qui se trouve devant lui est, d’après l’attestation de ses beaux-frères, bien constamment la marquise de Gange ; 4o Enfin que l’homme gisant sur le lit est, sur ses réponses, un soldat de la marine ayant très certainement passé la nuit avec la marquise. Toutes ces dépositions se signent ; le procès-verbal se clôt, et la marquise, qui n’a pu résister à l’horreur de ces exécrables procédés, est jetée sans connaissance dans une voiture, entre deux hommes qu’elle ne connaît pas, et qui, sans prononcer une parole, la ramènent à Avignon chez sa mère.

— Eh bien ! ma chère et tendre mère, dit cette infortunée en se jetant en pleurs sur le sein de madame de Châteaublanc. Eh bien ! voilà donc votre fille encore au comble du malheur. Les barbares !… Ils ne me feront grâce qu’après m’avoir fait périr ; ils ne me regardent plus que comme une victime dont ils sont pressés de boire