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LA MARQUISE DE GANGE

que de fierté. Vous connaissez mes liens, vous devez les respecter. De ce moment, toute espérance est un crime, et vous ne pouvez la former. — Eh ! madame, les grandes passions raisonnent-elles ? N’espérez jamais détruire celle dont je brûle pour vous, et ne me rappelez pas à des devoirs que vos yeux me font oublier : songez que nous sommes seuls ici, que la femme qui est avec nous, absolument à mes ordres, et nullement ma parente, peut s’assurer de vous si je le lui ordonne. L’isolement de cette maison, la nuit qui en dérobe les issues, tout, vous le voyez, madame, tout sert ici mes désirs ; et vous êtes perdue, si je leur laisse l’empire qu’y font naître vos charmes : cessez d’en vouloir dérober la possession à l’amour aidé de la force. Je vous livre, si vous me résistez, aux flots que vous entendez mugir ; une barque légère portera sur les côtes d’Afrique cette vertu sauvage qui n’y sera pas mieux respectée. — Ah ! monsieur, s’écrie Euphrasie, vous osez appeler amour le sentiment barbare qui vous aveugle au point de ne me laisser la vie qu’au prix de mon déshonneur ! Eh bien ! je ne balance pas : ces hommes féroces chez lesquels vous voulez me jeter seront moins cruels que vous : je choisis ce dernier parti, pressez-vous. Mais, non, je vous vois revenir à des sentiments plus doux, écoutez-les, monsieur, ne les repoussez pas. Ah ! comme nous nous flétririons tous deux