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LA MARQUISE DE GANGE

maison me paraît bien éloignée, dit-elle. — Je vous l’ai fait observer, répond madame de Moissac ; pour rien au monde je n’y serais retournée une seconde fois à pied.

Au bout d’une heure, on arrive enfin.

Cette bastide, absolument écartée des autres, était environnée de figuiers, d’orangers, de citronniers, qui en dérobaient la vue, même à ceux qui circulaient autour. La porte principale était en face de la campagne ; celle du jardin se trouvait absolument au bord de la mer, dont la surface argentée, et maintenant fondue dans des teintes obscures, ne se distinguait plus.

Dès qu’on est descendu, la voiture s’éloigne ; ces dames pénètrent seules avec Valbelle dans une salle basse, faiblement éclairée. La cousine disparaît, et voilà madame de Gange entre le crime et le corrupteur.

— Ah ! madame dit Valbelle, en se jetant aux genoux de celle qu’il outrage et qu’il adore, pardonnerez-vous à l’amour le plus violent l’erreur où je vous ai jetée ? Dans ce logis qui m’appartient, vous ne trouverez au lieu de madame votre mère, que l’homme le plus ardemment épris de vos charmes. La passion dont je brûle pour vous légitime toutes ces ruses ; et quelque chose que fasse un amant, il n’est jamais coupable que d’amour. — Que pouvez-vous attendre de moi, monsieur ? dit Euphrasie avec autant de courage