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LA MARQUISE DE GANGE

— Eh bien ! madame, dit le comte qui devine à merveille le motif de son inquiétude, puisque je vous parais un homme assez redoutable pour que vous n’osiez même pas rester une heure ou deux tête à tête avec moi, allons faire un tour sur le port : ce magnifique spectacle que vous ne connaissez pas encore ne peut que vous intéresser. — Pardon, monsieur, mais dans ce moment je ne m’occupe que de ma mère. — Mais il faut bien deux heures à ma cousine pour trouver son logis ; nous serons de retour à cette époque, et je vois que difficilement ces deux heures ne peuvent être employées par vous qu’en promenade, ou qu’en repos : j’aimerais mieux ce dernier parti, puisqu’il me mettrait à même de m’occuper plus intimement de vous. — Eh bien, monsieur, sortons, sortons, je ferai volontiers la promenade que vous m’offrez. Ce parti paraissait infailliblement le plus sage. Ils sortirent, et madame de Gange, occupée de tout ce qu’on lui faisait observer, se livrait entière à la surprise.

En effet, quel tableau plus intéressant que cette variété d’individus de toutes les nations, que le commerce met dans la plus grande activité ; on voit d’un côté des vaisseaux que l’on décharge ; d’un autre, les marchandises qu’ils contenaient transportées chez l’avide négociant qui les reçoit avec la soif ardente de l’or et l’impatience du gain ; tandis qu’un contraste affligeant fait voir