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LA MARQUISE DE GANGE

pecte que jamais. De Gange la loua de cette prudence, et le perfide lui dit que telle doit être à l’avenir la base de toutes ses actions, et qu’elle aurait évité bien des malheurs si elle se fût toujours conduite avec autant de sagesse. La marquise remercia tendrement son frère de l’intérêt qu’il prenait à elle et, ne pouvant résister à lui ouvrir son cœur : — Ô mon cher chevalier, lui dit-elle avec ce caractère de candeur et de naïveté qui la rendait intéressante, qu’ai-je fait à mon mari pour ne voir payé que par des froideurs l’amour dont je brûle pour lui ? — Vous avez été trop légère dans votre conduite, répondit de Gange : vous savez qu’il a résulté de là quelques petits torts qui, sans que vous ayez jamais été coupable, vous en ont cependant donné l’apparence. Il n’y a que le temps qui puisse ramener tout cela. Vous connaissez le caractère d’Alphonse ; il est confiant, il est bon ; mais ces gens-là sont toujours furieux quand on les trompe : ils ont plus besoin d’être ménagés que d’autres. Comptez sur mes soins, Euphrasie ; je les emploierai tous pour vous faire rendre un cœur que vous méritez si bien. Ici l’intéressante marquise, ne pouvant résister à l’effusion de sa sensibilité, se précipite en larmes sur le sein du chevalier ; et ces larmes, dues à la tendresse conjugale, à la reconnaissance et à la vertu, mouillèrent, sans se tarir, le front du crime et de l’imposture. Ce cœur, profondé-