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LA MARQUISE DE GANGE

Valbelle, tu le sais ; tâche de te mieux conduire que Caderousse, et la victime est immolée. — Mais comment s’y prendre ? dit Valbelle. Il faut tout combiner d’une manière si sûre que nous ne la manquions pas au moins cette fois. — Sans doute, mais souviens-toi de tenir avec moi le même marché que j’avais fait avec le duc. — C’est bien à contrecœur que je te le promets : je ne te dissimule pas que mon amour pour ta sœur augmente à mesure que je la vois. Quel modèle de piété, de vertu, de candeur ! quel assemblage de grâces et de gentillesse ! Mon ami, c’est un ange que le ciel a placé au milieu des démons, mais seulement pour l’éprouver. Son heureuse étoile, cet ascendant de la sagesse, qui triomphe toujours, la délivrera de nos mains criminelles, aussi pure qu’elle y sera entrée. — J’en doute, dit le chevalier ; nos filets sont trop bien tendus, elle ne se dégagera d’un piège que pour tomber dans un autre, et nous en serons toujours les maîtres. Au fait, qu’allons-nous inventer cette fois ? — Je l’ignore : l’oiseau très effarouché sortira bien difficilement de sa cage. — Tu te trompes, dit le chevalier, nous ne perdrons pas les fruits de la confiance que nous avons inspirée, et elle seule nous favorisera.

À peine ces résolutions furent-elles prises, que madame de Châteaublanc reçut une lettre de ses gens d’affaires qui l’invitaient à se rendre