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LA MARQUISE DE GANGE

par un homme que j’ai renvoyé de chez moi ! et c’est sous ce déguisement que vous fuyez ! et, sous le prétexte d’aller au bal, vous allez courir la province ! Vous peignez-vous l’inquiétude où vous avez mis votre mère et toute votre famille ? Ainsi donc, madame, il est décidé que je ne puis vous rencontrer que pour vous couvrir de reproches, que mérite si bien votre inconduite ! — Ah ! monsieur, daignez m’entendre avant que de me condamner. — Eh bien ! passons vite dans mon appartement : là, vous pourrez m’instruire à l’aise d’une aussi singulière aventure… Pour vous, Victor, soyez tranquille ; il vous suffit d’avoir accompagné madame pour que je vous récompense : vous me direz ce qui vous convient. — L’honneur de vous servir, monsieur le marquis… Ah ! soyez sûr que vous avez une épouse bien respectable.

On entre dans la chambre du marquis, et Euphrasie, après avoir versé des larmes bien amères, raconte à son époux, dans le plus grand détail, tout ce qui vient de lui arriver, en dissimulant néanmoins, par prudence, la part que le chevalier avait dans cette histoire.

Que l’on ne taxe pas ici notre héroïne de fausseté : il est permis de cacher ce qu’il serait imprudent de dire ; mais on est toujours très coupable en donnant aux faits une physionomie qu’ils n’ont pas.