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LA MARQUISE DE GANGE

Madame, dit Victor, en refusant une bague de prix que voulait lui donner la marquise, celui qui est assez heureux pour préserver la vertu des atteintes du vice ne doit recevoir de récompense que de son cœur. — Mais avez-vous entendu les horribles propos de ces gens-là[1] ? Et voilà donc où la plus légère imprudence peut entraîner une honnête femme[2] ! Ô ! mon cher Victor ! quelle leçon ! — Vous triompherez de tout cela, madame, répondit Victor ; et les éclaircissements que je vais donner me rendront peut-être assez heureux pour y concourir.

La marquise était fatiguée ; ses forces, altérées par l’inquiétude et par le chagrin, commençaient à faiblir ; elle monte avec son protecteur sur une charrette qui faisait la même route, et ce fut dans cet état qu’ils entrèrent dans Aix. Dès qu’ils furent sur le Cours, ils quittèrent ce triste équipage, et Victor conduisit la marquise dans la plus belle auberge de la ville. Ils y étaient à peine que le premier objet qui frappe leurs yeux est le marquis de Gange. Euphrasie est prête à s’évanouir… — Me trompé-je ! dit Alphonse ; quoi ! c’est vous, madame !… en cet état… conduite

  1. Nous avons littéralement rapporté ces propos, afin de faire voir à quel point les ennemis de madame de Gange travaillaient l’opinion publique, pour en venir plus sûrement à leur but perfide.
  2. Si quelques-uns de nos lecteurs demandaient où est le but moral de cet ouvrage, nous leur répondrions par cette sage réflexion de la marquise.