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LA MARQUISE DE GANGE

Dès qu’ils sont partis, nos deux fugitifs rétrogradent dans la campagne, gravissent une petite élévation, de laquelle ils peuvent observer tout ce qui se passe au second bac, et d’où ils aperçoivent enfin les bandits revenir sur leurs pas, et reprendre la route du château. Ils se dirigent alors sur les bords de la rivière, et demandent à passer. Les eaux s’étant un peu retirées, le patron consent ; puis, les considérant avec attention. — N’êtes-vous pas, leur dit-il, du nombre de ceux que le duc envoie après une femme qui vient de se sauver de chez lui ? Des gens que vous avez dû voir nous ont dit être chargés de les poursuivre, et de les arrêter s’ils venaient. — Parbleu, dit Victor, c’est aussi notre consigne : il dépêche ma femme que vous voyez et moi pour la même chose. Vous savez que nous sommes à son service. — Pressez-vous, dit le batelier, je crois la personne que vous cherchez sur la route d’Aix ; elle est passée par l’autre bac. — Bon, dit Victor, nous allons courir après ; nous ne nous arrêterons pas que nous ne l’avons. — Passez, passez, mes amis, il faut rendre service à monsieur le duc ; c’est un bon seigneur, il paye bien.

On traverse, on aborde, et voilà la marquise sur la route d’Aix.

— Ô ! mon cher Victor, dit Euphrasie, dès qu’elle voit la rivière entre ses ravisseurs et elle, que ne vous dois-je pas pour un tel service ! —