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LA MARQUISE DE GANGE

c’est une débauchée. — Oui, dit le chef, voilà comme ces belles dames usurpent l’estime du public. Si c’était une de nos femmes, on dirait tout simplement que c’est une coquine : il semble que les pauvres ne doivent pas avoir de réputation ; mais avec ces marquises, ces duchesses, il faut ménager les termes ; elles font pis que les nôtres, et encore faut-il les respecter. — On dit qu’elle est jolie, celle-là, dit le troisième camarade. — Sans cela, repartit le chef, le duc ne paierait pas aussi bien nos services. Oh ! c’est une femme perdue, poursuivit le brigand ; personne ne voudra plus la revoir dans Avignon.

— Eh bien ! dit le troisième satellite, son mari la fera enfermer. Elle est jeune ; on lui donnera le temps de se corriger. Il faudrait que toutes ces femmes-là fussent à l’ombre : ce sont elles qui perdent les autres ; et voilà ce qui occasionne tant de libertinage dans ce pays-ci. Mais poursuivons notre enquête ; allons à l’autre bac ; ils y seront peut-être. — Oh ! ventrebleu ! dit le chef, je vous assure que je la ramènerai de bon cœur au duc : c’est un brave homme, et il n’y a pas de mal qu’il profite de toutes les sottises de ces femmes-là. Pourquoi y est-elle venue ?

Nos bandits payent leur dépense, et passent, en sortant, si près de l’abri où se trouvaient la marquise et son conducteur qu’un d’eux pensa tomber sur les bottes de paille qui les recelaient.