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LA MARQUISE DE GANGE

Le seul Caderousse, pour donner le change, parut s’occuper fort peu d’elle, et le chevalier alliait à son amour toute la décence dont il était capable.

Sur les huit heures du soir, le duc de Caderousse invita, sans affectation, la marquise à venir se rafraîchir dans une salle éloignée de celle où l’on dansait ; le chevalier la suivit. De préférence à tout ce qu’on lui ofl’re, la marquise, ayant fort chaud, préfère un consommé ; une écuelle d’or le contient, et c’est Caderousse qui le présente. À peine est-il pris qu’un voile épais s’étend sur les paupières d’Euphrasie : elle tombe sur un canapé, sans pouvoir résister au sommeil léthargique qui l’anéantit. À l’instant elle est enlevée et mise dans une voiture à quatre chevaux, qui s’élance avec rapidité vers le village de Cadenet, chef-lieu de la seigneurie de Caderousse, dans lequel se trouve l’antique château donnant son nom à la famille, situé à sept lieues d’Avignon, sur la route d’Aix, et dominant la Durance, par l’assiette très élevée qui lui sert de base.

Le mouvement de la voiture réveille la marquise ; elle baisse une glace, veut faire arrêter ; mais deux hommes qui l’accompagnent, et dont les rayons de la lune lui font voir le déguisement et les masques, l’empêchent aussitôt de crier, l’un en lui mettant la main sur la bouche, l’autre en lui saisissant fortement le cou. — Ah !