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LA MARQUISE DE GANGE

qu’elle soit sur le vôtre pendant que je la séduirai : il faut que j’aie le profit et vous les charges. — Valbelle, dit Caderousse, j’aime assez ce rôle-là ; car tu conviendras que, dans le fait, il vaut presque mieux, pour la réputation d’un joli homme, qu’on lui croie une femme que de l’avoir en effet. Allons, je me charge du personnage, poursuivit le duc ; mais tu me guideras, chevalier, tu me diras tout ce qu’il faudra faire ; et, en attendant, tu vas nous dévoiler ce qui t’engage à une pareille conduite. Alors de Gange expliqua à ses amis toute l’histoire de la succession, les craintes légitimes qu’avaient ses frères et lui que madame de Châteaublanc ne devînt tutrice de l’enfant du marquis à leur détriment, ce qui allait encore resserrer leur fortune au moins pour vingt ans ; qu’en donnant, ou faisant avoir des torts à la marquise de Gange et à sa mère, ils éloignaient ces deux femmes de l’administration de l’héritage ; qu’au travers de tout cela, si ses amis voulaient l’aider, il aurait assurément la marquise, et que, par conséquent il servait ainsi l’amour et l’intérêt, ce qui n’était pas toujours très facile à conduire de front ; que, pour se résumer enfin, ils seraient tour à tour les amants supposés de la marquise de Gange ; que lui serait le véritable, et que la victime de ces charmants projets irait ensuite pleurer tout à son aise dans une tour sa réputation perdue avec eux, son honneur perdu