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LA MARQUISE DE GANGE

la chose que sous le côté le plus défavorable à Euphrasie. On sent quelle nouvelle preuve de conviction acquérait ici le malheureux Alphonse, et comme il se fortifiait dans l’idée certaine que de pareilles scènes amèneraient imperceptiblement sa femme où son refroidissement et son intérêt désiraient la voir.

Il y avait alors à Avignon deux jeunes gens fort-aimables, doués de tous les dons de la fortune et de la figure, mais de la classe de ceux qu’on a depuis nommés des roués, c’est-à-dire des êtres qui, abusant de toutes les faveurs qu’ils ont reçues de la nature, ont l’injustice de considérer les femmes comme des êtres uniquement créés pour leurs passions, sans réfléchir au tort qu’ils font à la société, en entraînant à l’adultère de crédules épouses, au libertinage des filles séduites, et qui, une fois corrompues, n’apportant plus dans le monde que des vices, et souvent des crimes, tournent bientôt sur leurs suborneurs les dards empoisonnés dont ils eurent l’imprudence d’armer leurs débiles mains… Cruelle vérité, qui, faisant mieux que tout sentir le besoin urgent de la morale, devrait faire entendre au cœur de l’homme pur l’organe même de sa conservation. À quel point sont inconséquents ceux qui ne travaillent qu’à détruire les mœurs par leurs exemples ou par leurs écrits, puisqu’ils préparent eux-mêmes les malheurs qui doivent les punir !