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LA MARQUISE DE GANGE

pris le premier parti ; mais il est des moyens pour le ramener. — On m’en a proposé qui me font horreur. — Une infidélité, n’est-ce pas ? Oh ! je suis à cent lieues de cette perfidie, ma chère. Pendant que mon mari vivait, une circonstance à peu près semblable à la vôtre me mit dans le cas d’employer le parti que je vais vous conseiller ; il me réussit : écoutez-le avant que de le rejeter, et profitez-en, s’il vous convient.

« Quand un mari paraît se dégoûter des liens de l’hymen, il faut essayer de le ressaisir sur les ailes légères de l’amour. Cessez pour un instant d’être la femme du marquis de Gange ; devenez sa maîtresse : vous n’imagineriez pas ce qu’une femme adroite peut gagner à ce changement de rôle. J’échaufferai son imagination au point de le faire consentir à cette ruse. Un cabinet obscur vous recevra tous deux chez moi ; il n’ignorera pas qu’il est avec vous ; mais, pour rendre la scène bien meilleure, vous n’aurez pas l’air de vous supposer avec lui. Croyez que toutes les flammes de l’amour se rallumeront dans cette entrevue. Cédez, s’il vous en presse : que risquez-vous, dès que vous êtes sûre de ne tomber que dans ses bras ? Vous le verrez alors dans l’ivresse… dans ce délire qui n’existe jamais où règne l’habitude. L’illusion disparaît ; des bougies se rallument ; il voit la maîtresse qu’il a supposée dans son ardente et chère épouse ; et de ce moment, il