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LA MARQUISE DE GANGE

fiter des lacs dans lesquels il allait de nouveau ressaisir sa belle-sœur, pour remettre à exécution tous ses premiers projets.

Parmi le peu de personnes qui avaient l’honneur d’être admises chez madame de Gange, se trouvait une certaine comtesse de Donis, issue, par son mari, d’une famille florentine, établie dans Avignon lors du séjour des papes. Si cette femme avait, du côté de la noblesse, tout ce qu’il fallait pour être reçue en bonne compagnie, il s’en fallait bien que ses moœurs dussent lui en ouvrir les portes ; mais une profonde hypocrisie déguisait tellement son intérieur, son langage s’accordait si bien avec ce qu’elle voulait jouer, qu’elle en imposait généralement. Son mari, mort depuis quelques années, l’avait laissée veuve et sans enfants, dans un âge où les charmes légitiment encore les passions. Madame de Donis avait à peine quarante ans, une jolie figure, et une fortune assez considérable pour tenir un rang distingué dans la ville. On lui prêtait bien quelques amants ; mais ses intrigues étaient si mystérieusement filées que la calomnie n’osait pas l’attaquer, et qu’on eût eu sans doute plus de peine à croire à ses désordres, même en les voyant, qu’on n’en eût éprouvé à la croire vertueuse, sitôt qu’on l’entendait. Ces femmes-là sont beaucoup moins rares qu’on ne le croit, et toujours beaucoup plus dangereuses que de