Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
LA MARQUISE DE GANGE

— Il ne fallait pas les remplir. Tu l’as fait coucher sur la paille, dit le chevalier : malheureux ! C’était sur des roses qu’il fallait la faire reposer. Oh ! comme j’aurais adouci tout cela ; mais vous autres, gens d’Église, ou qui vous destinez à l’être, vous êtes d’une sévérité… Ce n’est pourtant pas là l’esprit de l’Évangile, mon cher, et tu ne seras qu’un mauvais prêtre. — Je ne le serai pas du tout, dit Théodore : tu sais bien que je puis me marier quand je voudrai, et très certainement je ne m’ensevelirai point dans un ennuyeux célibat[1]. Enfin, tu aimes Euphrasie, voilà qui me paraît déterminé ; et c’est moi que tu honores du rôle de ton confident. — Assurément je l’aime beaucoup, mais ce sera, tu le sens, la passion la plus malheureuse. Il faut bien se garder d’en parler au marquis : avec son éternelle jalousie, ce seraient des scènes à n’en plus finir, et je ne me consolerais pas des larmes que je verrais répandre pour moi à cette angélique créature. Enfin, je le répète, mon ami, comment est-il possible que tu sois resté aussi longtemps avec cette femme sans l’aimer ? — Je suis plus

  1. On ne se lasse point de répéter cela, quoiqu’on n’en ait aucune certitude, et que les Mémoires ne disent point si l’abbé de Gange était, ou non, dans les ordres. Mais l’auteur, déjà très peiné de l’obligation où ces mêmes Mémoires le mettent de faire du scélérat Perret un vicaire de paroisse, n’a pas voulu qu’en devenant le maître d’engager ou non l’abbé de Gange dans les ordres, on pût dire qu’il a préféré le premier parti, dans la seule vue très coupable de jeter un ridicule sur un des ordres les plus respectables de la société.