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LA MARQUISE DE GANGE

changea de couleur, en détournant ses yeux du chevalier. Et, en effet, à qui… à qui, grand Dieu ! adressait-elle ces sublimes pensées ? N’eût-on pas dit qu’un Dieu s’exprimait par sa bouche, et la forçait à prononcer ce qu’elle semblait vouloir taire ?

— Madame, reprit le chevalier, ce qu’il y a de certain, c’est que j’aurais voulu me trouver là. Le marquis est jaloux, l’abbé fort sévère ; il vous fallait un pacificateur. Ici, le chevalier parut désirer des détails sur la détention de la marquise ; mais elle se refusa constamment à en donner. — Et pourquoi donc, dit-elle, rappeler des chagrins, quand on se trouve au milieu de ceux qui s’empressent à vous les faire oublier ? — Ah ! dit ardemment le frère du marquis, comme je voudrais les changer en plaisirs !… Permettez que je me retire, madame ; j’abuse de vos bontés, et je commence à craindre beaucoup de dangers auprès de vous. — Allons donc, chevalier, dit Euphrasie, avec le ton le plus aimable et le plus enjoué, n’attristez pas une conversation qui ne doit me conduire avec vous qu’à l’amitié que je vous jure, et dont vous vous rendrez toujours digne.

Le chevalier se retira ; et, en allant embrasser sa mère, avant de se coucher, Euphrasie lui fit part de l’entretien qu’elle venait d’avoir, en avouant que ce frère-là lui plaisait beaucoup