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LA MARQUISE DE GANGE

— Je suis forcée de croire tout ce que vous me dites, monsieur, répondit madame de Châteaublanc ; mais j’avoue que j’aurais bien voulu l’entendre de la bouche même de ma fille. — Ainsi donc, madame, la récompense de mes soins sera de me faire passer pour un imposteur ? — Il est si pénible pour une mère de recevoir de telles convictions ! Eh bien ! monsieur, dans l’affreuse impossibilité où je suis de m’éclaircir, je ne demande plus qu’une chose de vous : c’est de me faire serment sur ce Christ, placé dans ma chambre, de me jurer, dis-je, en face de lui et par lui, que tout ce que vous m’avez dit depuis deux jours est la vérité même ; que ce billet que vous m’avez montré a été véritablement écrit par ma fille au comte de Villefranche ; que l’acte du souterrain porte également les mêmes caractères d’authenticité ; qu’en un mot vous ne m’avez abusée sur rien. — Je n’aurais jamais cru, madame, que vous m’eussiez mis à une telle épreuve ; mais puisqu’elle vous est nécessaire, je m’y soumets. Et le monstre à qui ne coûtait aucun crime, lève la main, prononce devant son Dieu toutes les expressions que lui dicte madame de Châteaublanc, et prouve, par ce comble de scélératesse, combien il est malheureusement vrai qu’il n’y a que le premier pas qui coûte dans le crime, et qu’une fois franchi, il n’est plus d’égarement qu’on ne se permette, plus d’atrocités où l’on ne