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LA MARQUISE DE GANGE

nement, pourquoi tous ne l’admettraient-ils pas ? Et pourquoi les sujets d’un gouvernement où il n’est pas admis ne s’affranchiraient-ils pas d’un joug qui ne devient tel que par la négligence du législateur ? L’homme sage prévient la loi quand elle n’existe pas ; il la devance, et lui rend hommage comme si elle existait. Croyez, ma chère sœur, que tout ce qui s’écarte de là est absurde, nuisible à la population, puisqu’il prive l’homme et la femme de remplir ailleurs le but que leur impose la nature, et qu’il noie dans des flots de larmes une génération toujours précieuse. L’obligation, en un mot, de rester sous le joug du mariage, quand il ne nous offre plus que des épines, me paraît aussi criminelle que tous les vices qui éteignent la population, et je ne balance pas à croire digne des peines de l’enfer l’être qui a volontairement consenti à détourner des plans de la nature ce qu’elle ne nous accorde que pour la servir.

— Tout ce que vous venez de dire là, monsieur, répondit la marquise, n’est autre chose que ce qu’on appelle la logique des sens. Tant qu’une femme est unie à son époux, dès qu’elle a volontairement consenti à ces nœuds, elle doit les respecter tout le temps de l’existence de cet époux, et tout ce qu’elle peut faire d’opposé à cela la plonge inévitablement dans l’adultère. Quelques motifs de politique respectables et puissants ont pu faire rompre ces nœuds tissés par des souve-