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LA MARQUISE DE GANGE

ne lui donnèrent aucune satisfaction ; et Rose, n’osant plus rien dire, s’en tint à l’obéissance.

— Eh bien ! madame, dit enfin Théodore, en reparaissant chez sa belle-sœur, êtes-vous un peu plus contente de moi ? — Non, mon cher frère, répondit cette intéressante femme, en souriant, non, je ne suis pas plus contente de vous, et cela, parce qu’il n’est aucun de vos procédés qui n’est le même motif, et que ce motif est trop criminel pour que je puisse être contente de ceux dont il règle la conduite.

— Quelle fausse idée vous vous faites de la vertu des femmes, ô ma chère sœur ! dit Théodore : le mariage étant un pacte qui réunit deux époux, ne peut avoir de force qu’autant qu’il plaît à l’autre des conjoints de s’y soumettre. Du moment que l’on rompt le pacte, la force divisée de ce pacte ne peut plus être la même ; dès lors, voilà un des époux fort à plaindre. Or je vous demande s’il est naturel de penser que les lois civiles et religieuses aient jamais pu avoir pour objet de cimenter un lien dont la chaîne, dans le cas supposé, rend un des deux contractants malheureux. Un pacte ne peut être que conditionnel : il n’est qu’abus et que tyrannie, s’il cesse de l’être ; et certains législateurs l’on si bien senti qu’ils ont établi le divorce. Or, si l’admission du divorce est le chef-d’œuvre de la sagesse et de la prudence dans un gouver-