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LA MARQUISE DE GANGE

le duel ne s’arrange pas, et que la nouvelle sévérité qu’il emploie a pour motif de convaincre de la très grande part que vous avez à cette affaire. — Ainsi donc, monsieur, dit froidement la marquise, vous taxez mon époux de commettre une seconde injustice pour en pallier une première. — C’est porter l’oubli de vos fautes bien loin, madame, que de les excuser par un tel propos : on est capable de tout, quand on porte aussi loin l’effronterie. — Ah ! monsieur, consentiriez-vous que la foudre écrasât celui de nous deux qui est le plus coupable ? — Non, madame ; car je serais fâché de vous voir périr sous mes yeux. — Ce subterfuge adroit vous démasque, Théodore ; il met votre âme à découvert, et certes vous n’y gagnez pas. — Pourquoi donc cette effervescence, quand d’un mot, vous pouvez tout adoucir ? — Je le dirai donc, ce mot, si vous trouvez bon que je ne le prononce qu’avec le consentement de mon mari. — À quoi servent ces astucieux détours ? dit Théodore. La demande de ce consentement s’allierait mal avec les sentiments que je vous ai peints, Euphrasie ; ces sentiments sont au-dessus de tout ce qu’il est possible de vous dire : vous adorer est ma loi la plus chère ; vous l’exprimer, mon bonheur le plus doux ; je ne respire que pour vous seule au monde ; dites un mot, et vos malheurs cessent. Renoncez à la vaine espérance de regagner le cœur de mon frère : il est trop ulcéré, vous ne le ramènerez