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LA MARQUISE DE GANGE

mesure ? Qu’il la déshonorait publiquement ? Qu’en un mot, mon frère les a surpris tous deux ? Voilà ce qu’elle ne t’a pas dit, Rose, et ce que sans doute elle te cache. — Oh ! oui, monsieur, je ne savais pas tout cela… Trahir un aussi bon maître que monsieur le marquis ! cela est affreux. Mon opinion va changer pour elle, vous en êtes bien sûr. — Va donc mettre sans aucune pitié mes ordres à exécution, et tu viendras me rendre compte de l’effet qu’ils auront produit sur elle.

Il est des moments dans la vie où les plus grands scélérats réfléchissent, où le remords tonne encore dans leur cœur, et où ils reviendraient peut-être en arrière, si leurs passions ne les entraînaient : il semble en ces moments que la nature rentre dans les droits que le crime voulait lui enlever ; il ne faudrait que les déchirements de ce combat pour effrayer un homme sage ; car il n’existerait plus, ce combat, si celui qui veut être coupable n’opposait ainsi le crime à la vertu. Si la raison triomphe, l’homme est heureux ; il devient le plus à plaindre des hommes, si les passions l’emportent : le repentir vient une seconde fois se faire entendre à son cœur affligé ; il n’est plus temps, les hommes méprisent, les lois sévissent, le Dieu vengeur est là, et ce n’est plus qu’à lui-même que le méchant peut attribuer ce qu’il souffre. Mais Théodore endurci ne flotte plus ;