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LA MARQUISE DE GANGE

arriverai pure au moins et digne de ses regrets ; tu prolongeras ses jours sur la terre, afin d’éterniser dans son souvenir l’image de celle qui mourut en l’idolâtrant. Mais si cette pensée trop mondaine t’offensait, ô mon Dieu ! ramène vers toi toutes les facultés aimantes d’Euphrasie : il est bien juste qu’elles t’appartiennent en entier, puisque c’est à toi seul que je dois le peu d’instants heureux dont j’ai joui jusqu’à présent. Reprends-moi dans ton sein, ô mon Dieu ! le mien fut toujours rempli de ton image ; je n’ai conçu ton existence que par l’amour qui m’embrasait pour toi. Ah ! si le cœur de l’homme est ton temple, c’est parce qu’il est aussi le foyer où s’électrise la flamme dont la sainte ardeur le consume.

« Daigne accepter mes vœux pour les parents que j’ai perdus… pour ce premier époux qui guida mes jeunes années ; et quand tes ordres me réuniront à eux, daigne, comme eux, me placer près de toi, afin qu’à leur exemple je puisse au moins te voir dans l’immensité des siècles de cette éternité, qui cesse d’effrayer le faible esprit des hommes, quand on peut la consacrer à te bénir, et à te glorifier sans cesse.

Euphrasie, en prononçant ces derniers mots, se détache tellement de toutes ses facultés physiques qu’il semble qu’elle ne tienne plus à la vie ; son sein palpite avec Violence, ses regards fixés vers le ciel ne contemplent plus que son Dieu ;