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LA MARQUISE DE GANGE

aux mains de son rival, ce qui ne lui fût pas arrivé sans lui causer beaucoup de jalousie ; ensuite, il ne refluait, par ce procédé, que de légers torts sur madame de Gange, et il entrait dans les vues de l’abbé de lui en donner de beaucoup plus grands. Ainsi, en la faisant arrêter par des bandits, qui d’abord écartent son rival, et avec l’un desquels ensuite il a l’art de la mettre fort bien, on conviendra qu’il jaillit alors sur sa victime une dose de malheur bien plus forte que dans le premier cas ; et combien, d’après cela, devenaient plus sérieux, et en même temps plus sévères, les moyens que le marquis devait employer pour la punition de sa femme ! Elle était de même arrêtée à Montpellier, il est vrai, mais simplement comme la compagne d’un jeune homme honnête et fait pour être respecté ; mais, conduite dans cette ville avec un chef de voleurs, dont elle passe pour la maîtresse, quelle différence ! Or, l’on sait, et l’on saura peut-être encore mieux bientôt, qu’aucune de ces nuances n’échappait au perfide instigateur de ces infernales machinations, et que jamais il ne négligeait aucune de celles qui pouvaient le mieux lui assurer la défaite totale de sa victime. Mais il avait donc surpris la bonne foi de l’évêque ? Ah ! de toutes ses ruses, assurément celle-ci était la plus facile : la noble simplicité de la vertu n’est-elle pas toujours la dupe des menées odieuses du crime ?