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LA MARQUISE DE GANGE

répliqua la marquise, aucun des deux ne doit t’alarmer. — Mais ce billet, dit le marquis en le parcourant, les aveux qu’il contient… — Tout cela n’eut pour but que la conservation de ma vie, et je ne la désirais que pour me justifier : j’expirais sans cela dans le désespoir. Oh ! mon ami, crois donc à la sagesse de ta femme, basée sur son amour ; elle est inaltérable comme lui ; déchire cet affreux papier, il ne peut être voué qu’au mépris. — Je le garde, répondit Alphonse ; la facture de ce papier, l’encre dont tu t’es servie, tout peut faire un jour découvrir le coupable, et il nous est bien essentiel de le connaître. — Eh bien ! fais ce que tu voudras, dit la marquise ; mais réunissons-nous au plus tôt, je t’en conjure : j’imagine maintenant qu’un mot de toi suffit pour m’arracher d’ici, et nous rejoindre, sans que les poisons de la jalousie viennent nous infecter désormais ; sans qu’aucun nuage, en un mot, puisse encore obscurcir le printemps de nos jours.

Après de nouvelles protestations de tendresse, le marquis revola chez l’évêque, qui, gardant toujours le secret sur les causes qui l’avaient fait agir, remit à monsieur de Gange l’ordre de retirer sa femme ; et les deux époux, après une dernière visite de bienséance au prélat, repartirent sur-le-champ pour Gange.

— Voilà une aventure bien extraordinaire, dit Alphonse à Euphrasie, dès qu’ils purent se