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LA MARQUISE DE GANGE

qu’un aveu si subit et si peu ménagé allait peut-être envoyer la marquise au tombeau, il tâcha de la rassurer. — Eh bien ! madame, lui dit-il, votre douleur m’attendrit, et vous allez me trouver bien raisonnable. Je veux bien suspendre avec vous les effets d’une supériorité dont j’obtiendrais tout si je voulais, mais sous la condition d’une clause à laquelle j’espère que vous ne vous refuserez pas. — Quelle est-elle ? — Il faut copier de votre main, et signer l’écrit que voici.

Euphrasie prend le papier, et y lit ces mots : « Mécontente de la conduite que mon mari observe maintenant avec moi, je promets et déclare au sieur Joseph Deschamps, propriétaire, entre les mains duquel je suis volontairement, de continuer de vivre avec lui dans la plus grande familiarité et intimité, jusqu’à ce que, la mort de monsieur de Gange m’ayant rendue libre, je puisse contracter mariage avec ledit sieur Deschamps, auquel je promets foi, soumission et fidélité jusque-là. »

— Avez-vous réfléchi, monsieur, dit Euphrasie, que je dois nécessairement préférer la mort à un pareil engagement ? — Vous en êtes la maîtresse, madame, répondit Deschamps, en faisant voir à la marquise le bout d’un pistolet : j’ai toujours ce dernier moyen à votre service ; mais il ne sera employé, soyez-en certaine, qu’après un qui ne vous laissera pas, je vous le proteste, même