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LA MARQUISE DE GANGE

vrai, monsieur, on ne nous pose qu’à minuit. — Ainsi, nous voilà donc prisonniers dans la rue ? — Oui, messieurs, jusqu’à ce que la patrouille passe ; on vous mènera au corps de garde, et l’on verra qui vous êtes. — Oh ! ventrebleu, tout cela m’ennuie, dit le marquis, en mettant l’épée à la main ; il faut que je passe, ou que je tue celui qui s’y oppose. À ces mots, la sentinelle appelle à lui. — Sauvons-nous, sauvons-nous, dit l’abbé ; ne nous faisons pas ici une plus mauvaise afi’aire que celle que nous y avons déjà. Dans un instant il va faire jour ; entrons dans un café, et reposons-nous-y jusque-là.

Le motif de cette seconde ruse se devine aisément ; l’abbé qui l’avait arrangée, en plaçant et payant lui-même les deux prétendus factionnaires, prévoyait l’évasion, et voulait, par ce moyen, faire gagner aux deux fugitifs le temps qui leur était nécessaire pour qu’il devînt plus difficile de les rejoindre, et que tous deux pussent mieux tomber dans les nouveaux pièges qui leur étaient préparés.

— Poursuivons nos recherches, dit le marquis dès qu’il fut jour ; et, après s’être informés partout, ils entrent enfin dans l’auberge des voitures, où ils apprennent bientôt qu’Euphrasie et Villefranche sont ensemble, et que c’est vers Gange qu’ils ont dirigé leurs pas.

Alphonse veut partir à la minute ; mais l’abbé,