Page:Sade - L’Œuvre, éd. Apollinaire, 1909.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
L’ŒUVRE DU MARQUIS DE SADE

ment que j’ai fait autant pour M. de Sade qu’il a fait pour moi ; car après tout, il ne m’a jamais donné que quelquefois à dîner. Je suis las de passer pour son valet et d’être traité comme tel ; ce n’était qu’à titre d’amitié que je lui ai rendu service.

« 11 en résultera que M. de Sade ne me donnera plus de rôles pour la comédie, etc., etc. »


Voici, enfin, la lettre du docteur Royer-Collard, médecin en chef de l’hospice de Charenton. Il attaque violemment le marquis de Sade.


« Paris, 2 août 1808.
« Le médecin en chef de l’hospice de Charenton à Son Excellence Monseigneur le Sénateur ministre de la police générale de l’Empire.


« Monseigneur,

« J’ai l’honneur de recourir à l’autorité de Votre Excellence pour un objet qui intéresse essentiellement mes fonctions, ainsi que le bon ordre de la maison dont le service médical m’est confié.

« Il existe à Charenton un homme que son audacieuse immoralité a malheureusement rendu trop célèbre, et dont la présence dans cet hospice entraîne les inconvénients les plus graves : je veux parler de l’auteur de l’infâme roman de Justine. Cet homme n’est pas aliéné. Son seul délire est celui du vice, et ce n’est point dans une maison consacrée au traitement médical de l’aliénation que cette espèce de délire peut être réprimée. Il faut que l’individu qui en est atteint soit soumis à la séquestration la plus sévère, soit pour mettre les autres à l’abri de ses fureurs, soit pour l’isoler lui-même de tous les objets qui pourraient exalter ou entretenir sa hideuse passion. Or, la maison de Charenton, dans le cas dont il s’agit, ne remplit ni l’une ni l’autre de ces deux conditions. M. de Sade y jouit d’une liberté trop grande. Il peut communiquer avec un assez grand nombre de personnes des deux sexes, les recevoir chez lui, ou aller les visiter dans leurs chambres respectives. Il a la faculté de se promener dans le parc, et il y rencontre souvent des malades auxquels on accorde la même faveur. Il prêche son horrible doctrine à quelques-uns ; il prête des livres à d’autres. Enfin,