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INTRODUCTION

table, le nom de la fille célèbre qui, à la tête des femmes de la ville, repoussa vigoureusement, des remparts de Beauvais, les troupes du duc de Bourgogne. Le reste de ces patentes n’a pour objet que d’accorder à Jeanne Laisné et à son amant Colin Pilon les récompenses et les honneurs dus à cette courageuse action.

« M Je prie ceux qui voudraient révoquer en doute cette vérité de prendre auparavant la peine de vérifier, comme je l’ai fait, à Beauvais, les lettres patentes que je cite, et ils ne contrarieront plus un fait établi sur d’aussi fortes preuves.

« Sade. »


Cette lettre ne décida pas les directeurs à jouer Jeanne Laisné, et le 1er octobre 1799, de Sade fit appel à l’intervention du conventionnel Goupilleau de Montaigu, avec lequel il était en relations[1].


« Citoyen représentant,

« Je dois commencer par vous rendre mille et mille grâces de l’honneur que vous avez bien voulu nous faire dernièrement en venant à Saint-Ouen, et vous témoigner en même temps mon regret de ne pas m’y être trouvé ; je désirerais bien, et j’ai été chez vous pour vous en prier, que vous eussiez la complaisance de nous faire avertir quand vous voudrez nous dédommager.

« J’ai maintenant une autre chose à vous communiquer, la voici :

« Vous êtes tous d’avis, citoyens représentants, et tous les bons républicains pensent de même, qu’une des choses la plus essentielle est de ranimer l’esprit public par de bons exemples et par de bons écrits. On dit que ma plume a quelque énergie, mon roman philosophique[2] l’a prouvé : j’offre donc mes moyens à la République, et les lui offre du meilleur de mon cœur. Malheureux sous l’ancien régime, vous savez si je dois craindre le retour d’un ordre de choses dont je serais infailliblement l’une des premières victimes. Ces moyens que j’offre à la

  1. Cette lettre et la suivante ont été publiées en 1859 par la Correspondance Littéraire à qui elles avaient été communiquées par le baron Girardot, secrétaire général de la préfecture de la Loire.
  2. Aline et Valcour ou le Roman philosophique.